samedi 23 mai 2015

Prendre conscience du mouvement, même s'il est lent!




Retour dans le temps…

Samedi fin d’après-midi… Un hamac, quelques morceaux de melon, une coupe de vin, Eddie Vedder et le soleil plein le visage.
Le temps s’étire en ce premier dimanche de printemps… et ciel que je l’aime le temps lent qui prend son temps à passer, à s’écouler pour mieux me plonger dans cet état de grâce méditatif.
Le temps… trop long celui qui me sépare de mon dernier moment d’écriture.  En relisant les notes que j’ai prises au fil des jours, des semaines et des mois, je réalise que presque qu’une année scolaire s’est déjà ajoutée à mon périple Nordique. En relisant mes notes prises au fil du temps, j’ai aussi le sentiment que bien plus qu’une année s’est écoulée depuis le mois d’août.
La perception du temps… Prendre le temps ou le laisser nous dépasser. Le tuer et le regarder mourir? Le remplir pour mieux s’étourdir?
Moi j’ai tellement de temps que j’ai le temps de me questionner sur le temps… de temps en temps ;-) Vous, est-ce que vous en avez du temps ? En tout cas, si le temps était de l’argent, je peux vous assurer que je serais nantie d’une richesse presque infinie. En fait, je réalise de plus en plus que je me sens effectivement riche de cette richesse impalpable.
Un exemple simple : je prends en moyenne 8 minutes de ma journée pour me rendre à mon boulot (temps total pour 2 aller-retour).  Selon les différentes lecture, que j’ai pris le temps de faire, je constate que je « gagne » environ une heure par jour de liberté comparé à la moyenne des Canadiens. En faisant un peu de gymnastique mathématique, je réalise que je gagne pas moins de 25 heures par mois. 12,5 jours par année… et ce, juste dans les déplacements pour me rendre au travail! On pourrait presque dire que c’est pas loin de deux semaines de vacances supplémentaires dont il s’agit!!!! Hahaha! C’est un peu n’importe quoi, mais en même temps, ça me permet de comprendre comment j’ai fait au cour des dernières années pour développer et entretenir des passions pour la photographie, le tricot, la guitare, le ukulélé…  Je suis maintenant plus riche des ces nouvelles passions.


Alors, il y a bien la quantité de temps dont on dispose, mais il y a aussi la vitesse du temps qui s’écoule. Parce qu’on doit bien se le dire, le temps s’écoule, passe et ne revient jamais. Je n’aurai jamais plus 20 ou 30 ans… et la plupart d’entre vous non plus ;-) Est-ce que votre temps passe vite ou lentement? Vous vous rappelez M. Ibrahim? « Le secret du bonheur c’est la lenteur » qu’il disait.
Donc, malgré mes deux semaines de congés de plus par année, il m’arrive encore de trouver que je manque de temps pour profiter pleinement de mes journées! Il va trop vite mon temps finalement! Et là je me dis que… dans ce désert blanc, il doit souvent m’arriver de tomber en transe, il doit m’arriver fréquemment de me perdre entre deux moments… Tout va si lentement autour de moi… Comment puis-je donc manquer de temps?
J’ai plus de temps. Je fais tout plus lentement. J’apprécie chacun des moments.
Mais j’en voudrais encore plus de ce temps, pour le remplir de nouvelles passions pas encore imaginées. Je voudrais aussi qu’il aille plus lentement ce même temps, pour que l’âge me rattrape moins rapidement ;-) Vous, est-ce que vous l’avez ce sentiment que vous n’aurez pas assez de temps pour vivre toutes les découvertes qui vous sont offertes?


« Life is too short. Life is too short. Life is way too freakin short »
Paroles d’une chanson de Jaaji Opik – artiste Inuit







Pendant ce temps, dans le moment présent…


Le temps qui passe, qui s’écoule et qui ne revient pas… La fatalité du temps en quelque sorte… Parce que parfois ils sont bien là les moments dramatiques. Il y a 3 mois, M nous a quitté. La semaine dernière, c’est J qui est parti. Cette année, deux de mes anciens élèves sont restés pris dans la fatalité du moment. Chaque fois, ils m’ont emprisonnés dans une dramatique réalité. Deux pertes de trop. Deux jeunes qui ont sans doute crus que le temps s’était arrêté sur leur triste réalité.  Deux jeunes qui n’ont su voir la progression lente de leur moment. Deux élèves qui ont cessés de croire l’espace d’un instant et qui ont perdus l’essence même de leur vie. Pris dans un moment dramatique, sûrement rempli d’un désespoir et d’une douleur infinis. Seuls. Peut-être que leur temps allait encore plus lentement que le mien finalement. Peut-être qu’ils n’ont pas vu le mouvement. Peut-être qu’ils n’ont pas eu la force d’étirer le regard pour voir la vie qui était là et qui continuait. Peut-être sont-ils restés pris dans le moment, comme dans une sorte d’inertie.
Et si le secret de la douleur c’était l’extrême lenteur ? En tout cas, le secret de ma douleur c’est l’extrême fatalité du geste que ces deux jeunes de ma communauté ont posé.  Je me rappelle avoir dit quelque fois à des amis : il n’y a rien de définitivement dramatique dans la vie car rien n’est jamais statique, tout est toujours en mouvement, même les mauvais moments… Il n’y a rien de définitivement dramatique dans la vie…  sauf la mort que je leur ai dit. Tant qu’on est vivant, il y a de l’espoir… 

Aujourd’hui, je réalise un peu plus que là où il y a  de l’espoir, il peut également y avoir un puit sans fond de désespoir…

« Life is too short. Life is too short. Life is way too fucking short »

Ils me manquent ces deux jeunes avec qui j’ai passés de si bons moments. Je suis certaines que la douleur que je ressens à leur simple pensée n’est rien à côté de ce qui les a amené à s’enlever la vie. Je garderai d’eux les bons souvenirs que nous avons partagés lors de nos sorties dans la toundra, caméras à la main. Je garderai en mémoire les paroles que nous avons échangées, sur la route du Richmond Gulf, la musique que nous avons partagés, les rêves que nous avons rêvés ensemble, les rires sincères qui nous ont animés au cours de ces 5 années.

Je vais aussi écouter leur dernière parole et essayer de la comprendre, de l’accepter et de la transformer… Ce geste extrême et violent qu’ils ont posés veut bien dire quelque chose n’est-ce pas? 




















samedi 11 octobre 2014

Going Home




« Going home without my sorrow
Going home sometime tomorrow
Going home to where it’s better than before… »
                                    Going Home –Leonard Cohen

Année scolaire 2014-2015… Cinquième année Nordique qui débute. Dernière année Nunavikienne avant MA fameuse année différée. J’essaye encore de ne pas trop l’imaginer, quoi que dans les rares et brefs moments de découragements, je me réconforte en m’imaginant dans cet ailleurs pas trop futur (Vietnam, Cambodge, Indonésie, Laos, Chili… on verra bien) et sans doute meilleur.

Home…

Mi-Août 2011… dans le stationnement du cargo Air Inuit à PET, entre deux boîtes de carton.

« Mais Vikie? »
« Oui Mirko? »
« Elle est où ta maison? »
« Hummm…. Ma maison? »
« Oui TA maison! Elle est en Inde? À Québec? Dans le Nord? À Longueuil? »
« C’est une bonne question ça Mirko! » « Je ne sais pas trop… »
« … »
« … »
« Vikie? »
« Oui Mirko? »
« Quand est-ce que tu vas revenir? »
« Je reviens à Noël! »
« Non, non. Je veux dire, quand est-ce que tu vas revenir? »
« Ha… Tu veux dire,  revenir pour plus longtemps? » « Je vais revenir cet été J »
« … je veux dire REVENIR Vikie! »
« … » « Ha… Tu veux dire… revenir pour rester? »
« OUI!!!»
« … » « C’est une bonne question ça Mirko! » « Je ne sais pas trop … »


Et les nomades, ils répondraient quoi eux à cette question?   
« I'm lost and silent
in the wilderness
like an owl among the ruins
my wings lined with ashes
alone on the roof

I feel I'm a nomad »
            Geoffrey Oryema



(On dirait bien que je fais une chronique musicale aujourd’hui. Il y a beaucoup de pluie ces temps-ci sur Umi. Le ciel gris amène son lot de réflexions et se laisse bien bercer par la musique. Je passe donc beaucoup de temps à tricoter en pensant à vous (oui oui à vous chers lecteurs). Quelques mailles, quelques mots sur le papier. Quelques mailles, un café (PAS QUELQUES cafés vous vous rappelez). Quelques mailles, une pause pour écouter la musique de Cohen…)

Donc, vous l’aurez sans doute compris, ces temps-ci, je réfléchis beaucoup à l’idée de maison (dans le sens de sentiment d’appartenance à un lieu). Pour toutes sortes de raisons, mais surtout parce qu’il y a beaucoup de nouvelles personnes dans mon environnement immédiat cette année, j’ai été amené à partager d’où je viens et où je vis quand je ne suis pas ici… Et c’est probablement cette deuxième partie de la question qui m’a amené à me questionner davantage. 

J’ai quelques fois prétendu à la blague que j’étais une sorte de nomade (Y’a pas quelqu’un qui a fait une chanson là-dessus… Je suis un Nomade Sédentaire ?). Pour moi, pouvoir déménager à l’aide d’une simple minivan a longtemps été associé à une sorte de liberté. Chaque fois que je me suis départie d’un bien matériel imposant, ce sentiment de liberté s’est vu augmenté. Maintenant, mes possessions tiennent dans quelques pieds carrés, dans un entrepôt anonyme du boulevard Taschereau. À part 2 ou 3 antiquités et quelques BD, je peine à me rappeler ce qui y est empilé…

Alors…
« Elle est où ta maison Vikie ? »
Cher Mirko, je crois qu’après toutes ces années, je te dois au moins le début d’une réponse ;-) Et là j'entends vos voix résonner dans mes oreilles : Ciel Vikie !!!! 3 ans de réflexion !
C’est toujours ben moins long que Cent ans de Solitude!!!! Et arrêtez donc ! Vous le savez bien de toute façon que je suis lente !
Surtout… Surtout… Rappelez-vous M. Ibrahim et Oscar ! Le secret du bonheur… hein ??? C’est quoi le secret du bonheur ?? Le secret du bonheur c’est la lenteur voyons!!!!!!
Qu’on se le tienne pour dit !

À l’approche de cette année de congé bien mérité (hahaha n’importe quoi !), cette question de mon ami de maintenant 11 ans est plus que pertinente.  Parce que quand je partirai d’ici en juin… je ne devrais pas retourner à la maison justement?  Au cours des 10 dernières années, j’ai habité à Outremont, Verdun, Brossard, Rimouski, Québec, Longueuil et Umiujaq ! Peut-être pouvez-vous apercevoir le début de ma confusion ? Bon ! Mettons les choses au clair et évitons les stress inutiles. C’est bien certain qu’en partant d’ici, j’irai inévitablement quelque part (Sophie, tu imagines tout ce que je retrouverai là-bas !!!).  Mais est-ce que ce quelque part sera ma maison ?  … ? … ?


Finalement...

Peut-être que notre maison est partout, tant qu’on la trouve à l’intérieur de nous… 

Pour toi Mirko…
« Mais Vikie? »
« Oui Mirko? »
« Elle est où ta maison? »
« Hummm…. Ma maison? »
« Oui TA maison! Elle est en Inde? À Québec? Dans le Nord? À Longueuil? »
« C’est une bonne question ça! » « MA maison est en moi Mirko. Elle est dans mon café que je goûte, dans la baie que je regarde, dans la toundra que j’explore, dans les gens que je côtoie, dans la musique que j’écoute, dans la vie que je ressens. Elle m’accompagne où que je sois : Longueuil, Umiujaq, Barcelone, Inde, Burkina… Et tu sais quoi Mirko? C’est peut-être pour ça que j’arrive si facilement à être bien ailleurs. »

S’habiter… moi je l’aime bien cette idée. En plus, ça me donne un immense sentiment de liberté!




Puis parlant de liberté…
Quand je suis au travail, avec les élèves (ou les collègues…), je fais parfois preuve de… ce que certains qualifieraient, manque de sensibilité… Axée sur la tâche à accomplir, mettant de côté la sensibilité de chacun, regardant froidement les situations… Bref au travail, je travaille. Il m’est donc arrivé quelques fois (mais pas trop souvent quand même) de regarder des élèves (et parfois des collègues) pleurer sans essayer de les réconforter, et Ô shame on me,  sans éprouver de sympathie (ou empathie je ne sais plus trop). Cependant, j’ai toujours laissé l’espace aux élèves (et aux collègues) afin de vivre leurs peines ou leurs frustrations.
Et le rapport avec la liberté?
Et bien l’autre jour, E et N sont dans ma petite classe. L’équilibre est toujours très fragile avec ces deux élèves. Faisant preuve d’une froideur contrôlée, je respecte toujours cette fragilité. À l’écoute des besoins de chacun, j’adapte les leçons, je crée un lien significatif, je réponds le plus rapidement possible aux inquiétudes que je sens, je suis présente à chaque instant. Mais même avec seulement 2 élèves, il m’arrive parfois de ne pas voir arriver les débordements d’émotions.  Algorithme vertical de l’addition, sans retenue. Pas à pas, je fais les exercices avec les élèves. Jetons pour compter, règles pour additionner, papier pour tracer… N. suit bien et décide même de prendre un peu d’avance. E. a de la difficulté à compter… Règle, jetons, papier, modelage, accompagnement… Elle ne me suit plus car, du coin de l’œil elle l’a bien vu que N. peut travailler toute seule… Il suffit d’un mini instant et E. se ferme complètement. J’aperçois d’abord sa petite main se crisper sur son crayon. Elle dessine ensuite de gros traits pesants sur son papier. Son visage habituellement si doux semble se transformer en pierre. Ses yeux se remplissent alors de tristesse. Dans ce regard humide et brouillé maintenant inaccessible, je vois et ressens toute l’impuissance qui habite cet enfant…  Du haut de mon froid respect, je lui mets la main sur l’épaule. Par ce geste, je lui signifie ma présence… qu’elle repousse. Je lui dis alors qu’elle peut prendre une pause et que lorsqu’elle sera prête, je suis là pour elle. N. et moi continuons donc de travailler en tentant de respecter le plus possible l’espace de E.
Après quelques instants, le visage maintenant caché au creux de ses bras, j’entends et je vois les sanglots profonds sortir de cette élève blessée. Tout en continuant de travailler avec N., je dépose une fois de plus ma main sur l’épaule de E. Cette fois, elle ne la repousse pas…  Le corps tendu de cette fillette de 11 ans m’a déstabilisée. Je l’ai tellement sentie prisonnière de ses propres limites.  D’où mon lien avec la liberté. Après quelques instants, j’ai entendu mon nom entre deux sanglots.

« Vikie… je ne veux pas être toute seule… Vikie… je ne veux pas être toute seule… »
« Tu n’es pas toute seule E. Je suis là. N. est là aussi. »

Tranquillement, E. a relevé la tête et essuyé ses yeux. Avec l’énergie de son désespoir, elle a repris contact avec nous et mis de côté les barreaux de sa prison.
La période s’est terminée à ce moment. La cloche a sonné la fin de notre moment privilégié… Avant de laisser partir E., j’ai fait une chose que je ne fais jamais cependant… Sur le pas da la porte, je lui ai ouvert les bras. Son regard brouillé s’est timidement  rallumé, son visage de pierre a retrouvé sa douceur et elle s’est blottie au creux de mes bras… Je l’ai sentie se détendre et je l’ai entendu me dire « merci Vikie pour le câlin »…
J’ai pris la liberté d’avoir de la sympathie pour E.
E. a peut-être réussi à briser quelques barreaux de sa prison intérieure…




Aujourd’hui, je me dis que je prendrai peut-être aussi la liberté de revoir mon approche avec les élèves et les collègues qui m’exprime leur tristesse…





Avant de terminer…

La course Terry Fox pour amasser des fonds pour supporter la recherche sur le cancer. 2e année de mon implication. Comment ne pas souligner l’implication de la communauté! Presque 1200$ que nous avons amassés! Quand on travaille ensemble, tout le monde dans le même sens, c’est assez incroyable ce qu’on peut faire! Merci Umiujamiut!


En terminant…

Eh Vikie!!! Tu ne vas pas terminer comme ça quand même!!!!! Il était où ton ailleurs cet été???

Et si pour une fois je laissais les images parler?

Lisbonne


Espagne
Séville
La Sierra Nevada






Croatie







Slovénie





samedi 3 mai 2014

Le long hiver Nunavikien et les réflexions qu'il suscite.

La course Terry Fox pour amasser des fonds pour
la Société Canadienne du Cancer 


Café terrasse en ce début de printemps!
Amitié : Sentiment d'affection entre deux personnes ; attachement, sympathie qu'une personne témoigne à une autre : Être lié d'amitié avec quelqu'un. (http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/amitié/2916)

L’amitié….

Le Nord est un bon endroit pour réfléchir à ce concept variable. Posant mon regard du bout de ma solitude Nunavikienne, je me sens libre de toute interférence extérieure.

Quelle est votre définition de l’amitié?

Bon retour à toute la famille Caron-Larochelle
On est tous bien content de vous retrouver!
Avez-vous différents types d’amis? Où plutôt différents degrés d’amitiés? Et à bien y penser, ne devrait-il pas y avoir différents vocables pour préciser ce concept devenu tellement large?

Selon Facebook, j’ai 195 amis… Tiens je croyais en avoir 196 la dernière fois que j’ai regardé! Il semblerait que j’aie perdu un ami… Mais qui de cette fabuleuse communauté a osé ainsi me renier???

Mes réflexions sur l’amitié

L’amitié de passage (ou ponctuelle, qui est souvent intense et éphémère), l’amitié sincère (la vraie amitié, qui peut aussi être une amitié de passage en passant), l’amitié utilitaire (comme dans avoir besoin d’un ami dans un but précis), l’amitié ultime (qui résistera au temps, aux changements, aux situations délicates, aux écarts de conduite, à la distance, à la différence, aux silences), l’amitié superficielle (celle qui sourit beaucoup de ce sourire figé et commercial, qui reste en surface), l’amitié circonstancielle (qui peut parfois devenir sincère et ultime).

En vérité, peut-être y –a-t-il autant de types d’amitiés qu’il y a d’amis?

Et quelles sont vos catégories d’amitié à vous? Un jour lors d’un de mes retours du temps des fêtes, alors que je passais la soirée avec des amis (je ne saurais dire de quelle catégorie, sorry) quelqu’un m’a demandé :
- « Mais Vikie, ce sont qui tes vrais amis? » 
- La vérité ne réside pas en nous même que je me suis alors demandé.
Si je suis vraie (mais peut-on être vrai tout le temps?), les amis avec qui je suis seront alors vrais. Je n’y ai pas pensé sur le coup… Et par souci de ne pas blesser cette personne, j’ai répondu : « Mais voyons, mes vrais amis c’est vous! ». Est-ce que j’ai été criante de vérité avec cette amie par ricochet (tien tien une nouvelle catégorie comme dans l’ami de mon ami est mon ami)?            

Et pour terminer sur l’amitié, quelle sorte d’ami êtes-vous? Vous a t’on déjà reproché d’être un mauvais ami? Vous a t’on déjà renié, rejeté ou mis de côté? Allez, ne soyez pas orgueilleux! Ça m’est arrivé… Au moins deux fois… On m’a quelques fois reproché d’être une amie trop indépendante… N’est-ce pas là une qualité fondamentale de l’amitié? L’indépendance ne devrait-elle pas être à la base de toutes relations interpersonnelles? Maintenant que j’y pense, ceci explique peut-être cela… Hahaha!
Indépendance et vérité… Voilà! Je pense que je viens de mettre le doigt sur les fondements de mon humanité, mes objectifs à atteindre, les idéaux de ma réalité!


Dans le même ordre d’idées, ici je souhaiterais rendre hommage aux 450 âmes d’Umiujaq! En citadine que je suis, j’ai dernièrement commencé à ressentir le poids de ce cercle fermé délimité par ses 5 rues (oups maintenant 6) et isolé géographiquement du reste du monde. Par un quelconque après-midi de février, je me suis mise à m’imaginer, adolescente ou jeune adulte, vivant à Umiujaq depuis ma naissance… Une sorte de stress a alors pris naissance en moi. Passer son enfance, son adolescence et sa vie d’adulte entouré des mêmes 450 personnes… D’ami à ennemi à ami, de mari à plus mari à mari, d’agresseur à collègue de travail à agresseur, de chicanes en réconciliations en chicanes, d’admiration à envie à admiration… Passer toute une vie entourée des presque mêmes 450 personnes… Voyager entre chacune de ces extrémités, dans une sorte de va-et-vient perpétuel qui finalement sert sûrement de balance et d’outil de résilience. On dit qu’il y a beaucoup de problèmes au Nord et c’est vrai, mais parfois je me dis que ça pourrait tellement être pire! Ça va faire bientôt 4 ans que je suis ici et ma nature de non-Inuit citadine commence à refaire surface! Chassé le naturel et il revient au galop (comme dans aller faire du Cheval sur la rue Ontario)!
Donc bravo et merci à cette communauté de 450 âmes. Bravo de ne pas sombrer définitivement dans un déséquilibre collectif et merci de me permettre de repousser un peu plus chaque jour les limites de ma tolérance. Je partirai d’ici meilleure, mais je partirai aussi avant d’atteindre mon propre déséquilibre…

(Bon là j’entends déjà des gens me demander… Vikie c’est ta dernière année? Mais non que je répondrai. Je viens de décider de revenir pour une autre année… mais ne nous le cachons pas… je sens que je suis maintenant plus près de la fin de cette incroyable tranche de vie que du début.)

Parlant tranche de vie… Saviez-vous vous que le Nunavik était un laboratoire expérimental? « Moi je viens ici pour vivre une expérience! » Entendre : « Même si je ne suis pas qualifié pour l’emploi visé, je postule quand même (et ma candidature est retenue… phénomène désespérément très courant ici) et je me dis que ces quelques mois seront enrichissants pour moi… et peut-être moins cependant pour les personnes avec qui je travaillerai (mais ça évidemment c’est moi Vikie qui le dis…).  Je sais bien que je fais partie de ces gens qui ont un égocentrisme légèrement supérieur à la moyenne… Mais là! S’il vous plait!  Si un jour je pose des gestes semblables, dites-le-moi, arrêtez-moi, giflez-moi!!!!!!

Course de qamutk à l'approche
de noël!
18h08… Le soleil me réchauffe les orteils et fait planer un sourire sur mes lèvres. La musique en arrière-plan et des images plein la tête me font voyager. Journée enrhumée, passée à tricoter plutôt qu’à aller travailler. Je remonte le fil de mes pensées (comprendre que je relis la liste d’idées et de réflexions que je mets périodiquement sur papier) et je tombe sur cette phrase que j’ai écrite au retour de Noël :

- Les enfants d’aujourd’hui seront le village de demain…

Quelle grande vérité qui manque d’originalité vous me direz! Et vous n’avez presque pas tort. À l’exception près qu’ici, je peux nommer presque tous les gamins par leurs prénoms. Donc, si je reviens au village dans 15 ans, Alasie, Parsa, Dorothy, Aileen, John, Akuliak, James, Josie, Samson, Caroline, Johnny, Maggie, Davey Lee, Masta, Lizzy, Abelie, Elisapee, Malaya, Angusa, Dinah, Elijah, Louisa, Allie, Alec, Dorena, Minnie, Sarah, Mary, Aliva, Lorita et les 180 autres que je n’ai pas nommés, seront vraiment le cœur de cette communauté. Ils seront les parents, les modèles, les travailleurs, les passeurs culturels et les moteurs du village. Tiens, ça me fait penser qu’il s’agit sûrement d’une raison valable (parmi tant d’autres) pour ne pas prendre le Nunavik comme un laboratoire expérimental de développement personnel…

Mais revenons à nos moutons…

À Umiujaq, je pense donc que beaucoup d’enfants sont vieux avant d’avoir fini d’être jeunes…

Un fait divers Nunavikien. Un samedi, J. entre à l’école par effraction. Il a 9 ans maximum. On le reconnaît sur la vidéo de surveillance de l’école. Pas dupe le petit. Se sachant surveillé par l’œil indiscret d’une caméra, après avoir commis son délit, il s’assure de subtiliser l’écran qui projette les images filmées… (Bon, il n’a pas tout à fait compris que l’écran n’enregistre pas les images…) Comme les caméras ne couvrent pas tous les corridors de l’école, ça nous prend bien 3 ou 4 visionnages avant de comprendre le mobile du jeune garçon. J. est entré par effraction à l’école, un samedi soir, pour aller chercher de la nourriture dans la cuisine…

Au moment où j’écris ces lignes, je vois J de ma fenêtre. Emmitouflé dans son manteau (pas trop chaud) d’hiver, installé sur son trois skis, il cherche le meilleur angle de glisse pour dévaler la congère de neige formée à quelques pieds de ma maison. Avec son sourire accroché au visage, sous la lumière chaude de ce coucher de soleil hivernal, J. ressemble à n’importe quel enfant…  Assise dans ma chaise hamac, avec le soleil qui me réchauffe les orteils et le sourire qui s’estompe tranquillement de mes lèvres, j’imagine que je ressemble à n’importe quel adulte qui se demande si J. mangera quelque chose ce soir…

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Pourquoi ne pas aller marcher
jusqu'au Nunavut?


Samedi 3 mai 2014. Ciel gris, pluie, neige qui fond. Jean Leloup habite ma matinée. Le café est bon et le hamac confortable. Journée parfaite pour terminer ma chronique que je traine depuis déjà trop de mois (dans l’espoir peut-être d’avoir plus d’histoires à raconter…). L’hiver a été long à Umi et le printemps ne se pointe que timidement… Peu de sorties On the Land comme on dit ici. Peu de photos aussi. Mais je tricote!!!!  Foulards et tuques n’ont plus de secret pour moi! Et croyez-moi, il y a quelque chose de très satisfaisant à tricoter ;-) L’idée m’a même effleurée à quelques reprises de devenir tricoteuse professionnelle!!!


Trace de caribous!!!



Benoit et Tiphaine


Du Shiatsu au Nunavik
Je réalise que dans l’étirement du temps entre mes périodes d’écriture, j’ai oublié de vous parler du Shiatsu au Nunavik, de Benoit et Tiphaine qui sont venus bénévolement (et en partie grâce à votre soutien financier, car vous le savez, voyager au Nunavik n’est pas donné) partager leur approche de la vie avec les jeunes de l’école. Visualisation, détente, approche saine du touché, relaxation… Ils pourraient vous en parler beaucoup mieux que moi. Mais ce que je sais cependant très bien c’est que de temps en temps, un élève me demande : « Vikie, tu te souviens des massages? Si on prenait 5 minutes à la fin de la période pour relaxer? » Un merci sincère à Benoit et Tiphaine pour leur générosité, leur ouverture, leur disponibilité et leur vision positive de notre communauté. J’ai aimé les entendre me faire leur compte rendu quotidien, j’ai aimé voir leur regard, j’ai aimé jouer dans le blizzard avec eux, j’ai apprécié de les côtoyer à l’école. Ils ont donné sans compter aux enfants d’Umiujaq, avant, pendant et après leur visite.



Puis il y a aussi eu la pré-relâche qui m'a mené jusqu'en Gaspésie avec ma Sister et nos tapis fous!!!







Mon projet pour l’an prochain : Photo Voice. En fait, pas tant mon projet qu’un projet que je supporterai. Dans le cadre d’un travail de recherche universitaire (oups attention de ne pas tomber dans le laboratoire expérimental…), Georgia a développé un atelier de « photoréflexion » sur la santé mentale. Présent dans quelques communautés par le passé, j’avais lu sur ce projet. Quand j’ai su que Georgia cherchait une nouvelle communauté à visiter, je l’ai contactée. J’ai tout de suite aimé son approche photographique comme moyen d’expression. Elle viendra donc nous visiter l’automne prochain et offrira des ateliers sur la santé mentale. La photo servira de médium principal d’expression pour aider les jeunes adolescents à définir ce que c’est que d’être en santé mentalement. J’ai hâte de découvrir ces élèves du secondaire que je connais moins. Je me vois déjà dans la toundra avec eux, appareil photo à la main!

Sur cette note d’enthousiasme, je vous laisse, car mon troisième café matinal m’attend.





Ha! Mais parlant de café, ça me fait penser à un fameux dimanche matin. Nich, tu te souviens? Comment pourrais-tu avoir oublié!!?? Dégustation à l’aveugle de café. C’était l’idée de qui au fait???
Bon, je vous explique. À Umiujaq, toutes les heures qu’on sauve à ne pas être pris dans le trafic, à ne pas magasiner, à ne pas prendre 30 minutes pour aller travailler… et bien on les utilise pour faire toutes sortes de découvertes… Donc, une de nos dernières découvertes à Nich et moi s’est révélée être les descriptifs inscrits sur les sacs de café : belle amertume, costaud et puissant ; vif, puissant, corsée et rond (!!!);  riche, bouquet fleural et crémeux… (Ça ne vous fait pas un peu penser aux descriptifs de vin ou aux noms des échantillons de couleurs de peinture?). Donc, rempli de curiosité, Nich et moi on s’est demandé si on serait capable d’identifier à l’aveugle les cafés à partir de ces descriptions révélatrices… Et comme on a beaucoup de temps à Umiujaq, un dimanche matin, nous nous sommes transformés en goûteurs professionnels! Bon, pas très professionnel, car notre méthode d’échantillonnage n’a pas fonctionné du premier coup… mais nous avons tout de même suivi le modèle de la méthode scientifique.

Le tout a commencé un dimanche matin de février avec 3 sacs de café Cambio. Après une semaine de réflexions afin d’élaborer notre méthode de goûtation (je vous l’ai dit… ici on a vraiment beaucoup de temps pour réfléchir et aussi pour inventer de nouveaux mots…) nous avons procédé à la première tournée…

Méthode (assurez-vous de lire la méthode jusqu’à la fin et portez une attention particulière à l’étape 8b et aux conclusions… de plus, si suite à la lecture vous envisagez toujours de faire une dégustation de cafés, ne le faites jamais seul et assurez-vous d’avoir accès à un CLSC en cas de besoin):

1-D’abord, numéroter les sacs de café de 1 à 3.
2-Ensuite, inscrire les numéros sur des bouts de papier et les coller sous des verres de manière à ne pas voir les chiffres.
3-Prendre 3 verres identiques.
4-Étape cruciale : éteindre toutes les lumières afin de diminuer la luminosité le plus possible. Cela évite de laisser voir la couleur des grains qui seront versés dans les verres.
5-Donc, installer le sac 1 derrière le verre avec l’étiquette 1, le sac 2 derrière le verre avec l’étiquette 2 et le 3 avec le 3. Simple n’est-ce pas?
6-Une fois que les grains de café sont dans les verres respectifs, mélanger les verres une première fois.
7-Prendre une pause d’une dizaine de minutes (vous pouvez commencer à préparer le déjeuner).
8-Remélanger les verres (je conseille d’alterner entre les goûteurs pour le mélange des verres).
9-Et c’est parti!!!!! Prendre les grains d’un des verres, les passer au moulin et préparer 2 expressos bien tassés! Chaque goûteur doit avoir un crayon et un papier pour noter le numéro correspondant au café goûté. À cette étape, il faut aussi disposer les sacs de café avec les descriptions devant les goûteurs afin de permettre la réflexion analytique sémantique et gustative. Quand la première dégustation est terminée et que le choix est noté, si vous avez accès à de l’eau pétillante, il est recommandé d’en prendre un verre entre chaque café afin de réinitialiser les papilles gustatives. Nous n’avons pas eu ce luxe ici, car le 750ml de Perrier se vend 12$ à la COOP!!! Mais si c’était à refaire… et je ne suis pas certaine que ça arrivera… je me paierais définitivement le luxe et les vertus digestives du Perrier Nunavikien… Qu’en dis-tu Nich? Tu serais prêt toi à investir dans l’eau pétillante?
Donc, une fois le premier verre testé, il suffit de passer au second, puis au troisième. Bien sûr, des pauses sont recommandées entre chaque café!!!!

Quelle méthode scientifique me direz-vous!!! Nous nous sommes effectivement posé une question, nous avons fait des hypothèses, nous avons fait une expérimentation, nous avons écrit nos résultats et nous avons tiré nos conclusions :

7 expressos (oui oui 7, car après la première tournée test de 3 cafés, je me suis rendu compte que j’avais oublié d’élaborer un système de classement des verres utilisés et qu’il nous était impossible de relier la dégustation 1 au premier verre… bref, il faut ajouter l’étape 8b à la méthode, soit celle qui dit : sur une feuille assez grande pour contenir les 3 verres, tracer un tableau de 3 cases et inscrire dans chacune d’elle le numéro de la dégustation. Placer ensuite un verre par case et procéder à l’étape 9, en faisant bien attention de replacer le verre sur la bonne case après caque test) donc, 7 expressos (parce qu’à la deuxième tournée expérimentale, on a décidé d’ajouter un 4e café pourquoi pas!!!) en une seule matinée (dont 4 en moins de 30 minutes) c’est beaucoup beaucoup beaucoup trop! Ça donne mal au ventre. Ça donne des palpitations cardiaques. Ça coupe l’envie de discuter. Ça donne cependant envie d’appeler le nursing…



Et les noms des cafés dans tout ça??? Et bien, on a conclu que les noms donnés aux cafés n’ont rien à voir avec leur goût!

Ahahaha! Juste à l’écriture de cette belle mésaventure, je sens mon ventre gargouiller! Devrais-je prendre ce troisième café?

Sur cette question existentielle, je vous souhaite un bon mois de mai à tous! Ici, les dernières semaines vont passer très vite. Dans quelques jours, la neige laissera place à la toundra, le moteur de mon Honda se fera entendre et notre courte saison de camping commencera!

Allez! J’y vais pour un troisième café!!!

Vikie


Hommage au policier  Steve Dery décédé en devoir à Kuujuaq